Test : Life is Strange

Test : Life is Strange

2017-03-15 2 Par AL-X5

Life is strange est un jeu narratif, épisodique, sorti sur PS3, PS4, X360, XOne et PC, avec un premier épisode (aujourd’hui gratuit) parut en janvier 2015. à mi-chemin entre Heavy Rain et les jeux signés Telltale Games. Développé par le studio français Dontnod Entertainment, basé à Paris, à qui l’on doit le discutable mais non moins original Remember me et édité par Square Enix. Précisons qu’une version physique et intégrale est disponible sur PS4, XOne et PC, contre une version uniquement numérique pour la précédente génération.

La trame scénaristique nous place dans le rôle de Max, étudiante sur un campus américain de l’Oregon. Life is Strange se dote d’une direction artistique très appropriée, avec des graphismes en cell-shading soignés et un style singulier, entre peinture à l’eau et rough au gros feutre. Le rendu est très réussi, un tantinet naïf, parfaitement adapté à l’univers ado / étudiant. Le charme opère de la plus belle des manières, grâce à une ambiance unique, des chansons savoureuses, une narration travaillée et un jeu d’acteur convaincant.

Ambiance sonore donc, avec des bruitages et des doublages anglais impeccables, au service d’une narration riche et maîtrisée. Dommage qu’une version française ne soit pas de la partie, car la synchronisation labiale permissive s’y prêtait parfaitement. Mais vu le nombre de dialogues, on imagine aisément le surcoût de travail et budgétaire. Notons d’ailleurs que le jeu se veut à petit prix.

La bande originale opèrera en vous un véritable kidnapping émotionnel, entre musiques mélancoliques et chansons rock, folk aux sonorités country. Une tracklist de grande qualité, qui colle à la peau, et à l’ambiance générale du titre. Une franche réussite à ce niveau-là.

• Retrouvez ici notre présentation de l’OST Life is Strange : 

OST de la semaine #27: Life is strange

En plus d’une intrigue prenante, rondement menée et bien écrite, qui vous poussera à aller jusqu’au bout de l’aventure, Life is Strange est aussi bourré de questionnements existentiels et de sujets sociétaux : Pouvoir oligarchique, théories du complot, big brother, surveillance et réseaux sociaux. Véganisme, écologie, recyclage et catastrophes naturelles. Destin, drames, relations, drogue, sexualité etc…

Le titre épouse également quelques références cinématographiques totalement assumées et jamais pompeuses. Avec des clins d’œil à certains films, que nous ne citerons pas pour ne rien gâcher. Évoquons juste un soupçon de Twin Peaks pour l’ambiance et l’intrigue et l’Effet Papillon pour la possibilité de remonter le temps, et tenter d’influer le cours des évènements. Ce pouvoir vous sera attribué en début de partie et mis à contribution tout au long de l’aventure. Une bonne idée, mais quelque peu sous-exploitée…

Nous en arrivons à la petite faiblesse du titre, au sens propre : son gameplay. S’il s’avère être agréable et intuitif, il n’en demeure pas moins minimaliste. À savoir qu’on n’y trouvera aucune QTE (ndlr : Quick Time Event), ce qui ampute un tant soit peu la variété du jeu et nous impose un rythme relativement calme. Exemple : Lorsque notre chère Max joue de la guitare, au lieu d’assister passivement à la scène, on aurait pu jouer la mélodie au risque de faire une fausse note.

Bien que certains n’apprécient guère les QTE, il s’agit d’une mécanique quasi inhérente aux jeux narratifs. Imaginez un Heavy Rain ou un jeu Telltale sans QTE, avouez que ce serait un peu léger. On se contenterait d’inspecter les lieux, de farfouiller à la recherche d’indices, et de dialoguer… Et c’est presque le cas dans Life is Strange. Heureusement qu’à cela s’ajoute la possibilité de remonter le temps. Idée originale et audacieuse, mais quelque peu sous-exploitée et dirigiste, puisque ce pouvoir ne sera utile qu’à certains moments clefs de l’histoire, et la plupart du temps dans un but bien défini. Cela dit, les choix multiples sont bien présents et ont des conséquences. À la fin de chaque épisode, des statistiques listent vos actions et les comparent aux autres joueurs (mondiaux ou amis). Résultats parfois surprenants, qui nous pousseraient presque à recommencer l’aventure.

Le gameplay aurait également pu s’enrichir de « petits riens », qui prennent du temps en développement et programmation bien sûr… Mais autre exemple : Lorsque l’on prend une photo, pouvoir cadrer soi-même son cliché et en ajuster la mise au point aurait été sympa. Alors qu’on se contente d’appuyer sur une touche lorsqu’on nous le propose. On aurait apprécié aussi la possibilité d’observer un objet sous tous les angles afin d’y déceler un indice. Un geste qui se prêterait parfaitement à l’exercice d’investigation qui plus est. Puisque certains objets s’affichent à l’écran dans ce but précis, mais de façon statique, sans possibilité d’exercer de rotation de l’objet en question. Du coup, on se sent un peu spectateur, prit par la main, en plus d’être confiné à l’endroit où nous nous trouvons. On quitte simplement une zone pour une autre sans y aller par nos propres moyens.

Mais ces petits manquements ne gâchent en rien le plaisir que l’on éprouve à parcourir l’aventure. Notant même certains détails bien sentis : On se voit dans un miroir, c’est assez rare pour être souligné. Les conditions météorologiques sont crédibles, la physique du vent, de l’eau ou certains effets volumétriques sont très bien retranscris. Au même titre que la réflexion de certaines surfaces ou l’éclairage du smartphone dans le noir. Les lieux traversés sont variés, vraiment agréables, et c’est avec plaisir qu’on en inspecte les moindres recoins.

Life is Strange est un jeu paisible, rafraîchissant, scindé en cinq épisodes, et à l’intrigue prenante. Si le premier chapitre est un peu lent à démarrer, il pose l’ambiance et titille la nostalgie de nos années lycée. D’ailleurs lorsque le titre apparaît à l’écran, après un premier quart d’heure de jeu, on vous met au défi de ne pas esquisser un petit sourire complice. Par la suite, l’ambiance s’assombrit, le rythme s’installe, et on bascule véritablement dans une dimension dramatique. Le jeu nous assure une durée de vie honorable, avec deux derniers chapitres fournis, cohérents et pleins de rebondissements.

Si le constat peut paraître un peu sévère, nous ne pouvons que vous conseiller Life is Strange, tant le jeu transpire la créativité et le savoir faire. Second titre de Dontnod Entertainment, au développement certainement un peu douloureux. Le succès mitigé de leur premier titre, Remember Me, qui aurait pourtant mérité plus de considération, y est sans doute pour quelque chose. Plaçant du coup le studio en position délicate. La vie est faite de compromis et de choix douloureux, c’est ce que vous ressentirez à certains moments phares du jeu. Tout comme le studio Dontnod qui a pourtant réussi ici un pari risqué. Et comme le disait un certain Diderot : « On croit conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène ». Life is parfois so strange…