Interview : Marc Kruzik – God is a Cube

Interview : Marc Kruzik – God is a Cube

2017-05-04 0 Par AL-X5

La rédaction de BAG a eu l’immense plaisir, et le privilège, de rencontrer Marc Kruzik, le créateur du jeu God is a Cube : Nanomachines Rising. Il s’agit d’un jeu de réflexion qui sortira avant la fin de l’année 2017 sur PC, Linux et Mac, mais vous pouvez en faire l’acquisition dès à présent sur Steam, et en version jouable bien sûr. Marc Kruzik a créé son jeu seul à 99%, et en est à sa quatrième année de développement. Ténacité, ingéniosité et audace sont trois qualités requises pour mener à bien un tel projet. Mais c’était sans compter sur l’esprit polyvalent, multi-facettes, pour ne pas dire multi-tâches d’un esprit affûté tel que celui de Marc. L’homme est observateur, curieux, inventif; malin… Mais avant tout passionné et enthousiaste.

Ce fut un réel plaisir de nous entretenir avec lui, nous le remercions encore pour sa disponibilité, sa bonne humeur et son entrain. Partons sans plus attendre à la découverte de cet univers quantique fait de cubes, de programmes et de technologie… Et de là à penser que l’atome serait en fait un cube, il n’y a qu’un pas qu’il ne faudrait pas franchir… Quoique.

Retrouvez tous les liens utiles en fin d’article –

– N.B. Le terme technologie reviendra souvent au cours de cette interview. Il s’agit de le prendre au sens propre, à savoir : L’étude d’outils, de techniques et de procédés. Il n’est pas question ici de notion high tech, nous le précisons juste dans un souci de clarté et de compréhension

• BAG Question 1 : Bonjour Marc, il semblerait que tu sois un touche-à-tout en matière de technologie. Pourrais-tu nous parler de toi, de ton parcours, de tes passions et inspirations ?

Marc Kruzik : Alors j’ai commencé le jeu indépendant en 2004, il faut se remettre dans le contexte de l’époque où tout le monde essayait de créer. Il n’y avait pas grand chose en terme de création sur internet, avant Youtube, Dailymotion etc… Et donc il y avait deux secteurs forts qui étaient la saga mp3, les histoires audio comme Le Donjon de Naheulbeuk, et la communauté RPG maker. Moi j’étais à mi-chemin entre les deux, je faisais mes propres histoires audio et j’étais aussi dans le RPG maker. Je me suis rapidement aperçu que ce qui me plaisait le plus, était l’aspect programmation. J’ai donc passé plus de temps à développer des outils qu’à faire des jeux. Je me suis découvert cette passion de programmeur et j’ai décidé de passer un DUT informatique en 3 ans.

Par la suite, en 2009, quand tout le monde se disait que le jeu indépendant ne décollait pas vraiment, je me suis dit que j’allais faire une école de jeu vidéo (SupInfoGame) en tant que game designer. J’en suis sorti en tant que chef de projet. Par la suite j’ai enchaîné 3 années dans une société de nouvelles technologies qui travaillait sur un jeu avec des figurines NFC (Near Field Communication), utilisant une technologie proche de Skylanders. Des figurines avec une puce NFC dessous, qui communique par ondes radio sur une surface adaptée, à l’aide d’une douzaine d’antennes. Quand on pose la figurine sur cette surface, le personnage qu’elle représente apparaît et bouge à l’écran. J’ai d’ailleurs été chargé de développer une petite application mobile pour, justement, communiquer avec les figurines. Ce qui nous permettait de faire des démonstrations du jeu aux investisseurs.

C’est donc un peu cet aspect touche-à-tout qui m’a donné envie d’aller plus loin dans l’utilisation de la technologie. D’autant qu’il s’agissait d’une boîte dans laquelle travaillait Jean Bey, le créateur de Rackham, éditeur à l’origine du jeu Confrontation (action/stratégie sortit en 2012 sur PC) et de plusieurs jeux de société. Jean Bey est un visionnaire, je l’appelle le Steve Jobs de la figurine. C’est quelqu’un qui a fait évoluer ce domaine, il est à l’origine de la technique de transition entre l’alliage plomb / étain et la matière plastique. Il m’expliquait de quelle manière il allait toujours plus loin dans ses concepts, grâce à une utilisation toujours plus poussée de la technologie. Je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse de même. Qu’en tant que créateur et programmeur de jeu, il ne fallait pas que je me limite, que j’aille le plus loin possible dans l’utilisation d’une technologie quelle qu’elle soit.

• BAG Question 2 : Concernant ton pseudo : King Kadelfek. Est-ce bien toi qui est à l’origine de La Taverne de Kadelfek ? As-tu été, ou es-tu, un adepte de jeux de rôle traditionnels ?

Marc Kruzik : En effet, j’ai créé La Taverne de Kadelfek en 2004. À cette époque, quand tu voulais trouver quelque chose sur internet, il valait mieux le créer toi même. Aujourd’hui encore, au vu de certaines listes, je crois que La Taverne de Kadelfek est classée onzième sur le millier de sagas existantes. Je n’ai jamais su si c’était du à l’effet nostalgie, mais en participant à certains événements comme Saga mp3 à Paris, qui s’est déroulée dans les locaux de l’université de Jussieu,  j’y ai rencontré beaucoup de personnes qui m’ont confié garder La Taverne de Kadelfek en haute estime. Évidemment, ils attendaient l’épisode 13 que je promets depuis maintenant plusieurs années, puisque l’épisode 12 est sorti en 2007. Mais je promets que je le réaliserai un jour. Notamment si mon jeu est un succès, je me reconsacrerai un temps à des hobbies tels que la création de saga mp3. Cela dit, je reste assez proche du milieu, du moins j’essaye. J’ai d’ailleurs créé un topic sur la rentabilité des sagas mp3, car malheureusement, quand tu gagnes de l’argent avec des sagas audio, quand tu peux en vivre, c’est grâce aux produits annexes : Jeux de rôles ou de plateau, figurines, romans etc. Je me dis qu’il vaut mieux miser sur un produit « abouti » tel que le jeu vidéo et de conserver la saga en hobby.

Concernant le jeu de rôle traditionnel, en fait non, je n’y jouais pas car je déménageais tous les trois ans à cause du métier de mon père, qui était gendarme. Ce qui fait que je n’avais pas de groupe d’amis assez conséquent et sur du long terme. Et donc, pour ce qui est des activités ludiques à proprement parler, je me suis plutôt concentré sur le jeu vidéo. J’étais un grand fan de Baldur’s Gate, qui m’a permis de découvrir l’ambiance jeu de rôle. Par la suite, je suis tombé sur une vieille édition de Donjons & Dragons, des bouquins que mes cousins avaient oubliés. J’y jouais seul car cela ne suscitait pas de réel engouement chez mes sœurs.

• Site de La Taverne de Kadelfek : https://www.kadelfek.com/

• BAG Question 3 : Venons-en à ton jeu, et pour ceux qui ne le connaitraient pas encore : Qu’est-ce que ce fameux God is a Cube ?

Marc Kruzik : Alors God is a Cube est un jeu où tu programmes des petits robots en forme de cube. Programmer comment ? En mettant côte à côte différents symboles graphiques qui donnent des instructions au cube. On commence assez simplement, avec différentes flêches indiquant la direction à suivre, comme avancer quatre fois vers le nord. Une fois qu’on maîtrise les directions, on aura la possibilité de créer des intelligences artificielles. C’est à dire de programmer le cube à raisonner, à prendre des décisions. Par exemple, on va demander au cube : si devant toi il y a un mur, tourne à droite, et dans le cas contraire, continue tout droit. C’est comme programmer un robot pour éviter des obstacles. Ou alors on peut lui dire : si tu vois un mur, monte d’une case. Ce qui aura pour effet de créer un robot à même de monter un escalier.

Tout le principe est d’apprendre, de façon assez simple, des raisonnements complexes comme des prises de décision, des boucles et autres systèmes ou schémas. De façon à avoir des petits robots cubes capables de se déplacer, de se reproduire, de se multiplier, et de commencer à construire. Avec, par exemple, des robots arrivant devant un espace vide, prêts à se sacrifier pour devenir des briques, afin de constituer un pont. Finalement on aura toute une série de robots qui deviennent des ponts, des bâtiments, des pyramides spatiales etc. Donc le but du jeu est d’apprendre les différentes techniques de contrôle des petits robots pour leur faire construire des choses. Une grille sert de repère au sol, le trajet est indiqué par de petites étoiles (mini cubes jaunes) et pour les joueurs souhaitant aller plus loin, il existe des solutions secrètes dans certains niveaux. Je n’en dis pas plus mais il est possible de contourner les règles en trouvant de nombreux chemins annexes. À la fin de chaque niveau, on aura un aperçu des solutions trouvées par d’autres joueurs, et on se rendra compte qu’il existe des chemins secrets.

• BAG Question 4 : Tu as développé God is a Cube seul à 99%. Comment en as-tu élaboré les mécaniques ? Et est-ce que le choix de la 3D isométrique s’est imposé de lui-même ?

Marc Kruzik : Alors à la base, le jeu a été pensé comme une technologie. C’est à dire que, je le disais précédemment, il est important d’aller aussi loin que possible dans la technologie. Je m’étais sérieusement intéressé à Peter Molyneux (Populous, Syndicate, Theme Park, Black & White, Fable…) qui faisait beaucoup de promesses mais avait surtout beaucoup d’idées. Et j’ai fait un rétro-engineering de sa pensée, c’est à dire que j’essayais de trouver la chose la plus simple qui permettrait de faire un maximum de choses : « One thing to do everything ». Je me suis dit qu’avec des cubes on pourrait faire quelque chose. Ou comment avec un ensemble de cubes, on pourrait aller le plus loin possible. Et en regardant un clip musical de Birdy Nam Nam « The Parachute ending », où un grand méchant attaque une planète à l’aide cubes, je me suis dit : C’est ça ! Il faut que je crée une technologie permettant de dévorer une planète avec des cubes. J’ai donc créé un système qui permet d’envoyer des cubes sur une planète, de s’infiltrer dans des créatures, de changer leur ADN et leur comportement. Pour finalement transformer les planètes elles-mêmes en vaisseaux spatiaux afin de partir à la conquête de l’espace, et dévorer des planètes encore plus grosses.

Ce qui a donné lieu à une grosse technologie, j’en ai fait une démonstration technique et je l’ai montrée sur 4chan. Les gens ont adoré, en quelques heures j’ai reçu un demi-millier de réponses. Je me suis dit qu’il y avait finalement peut-être trop de hype, que les gens étaient trop intéressés. Est-ce que du coup je n’en promettais pas trop ? A cette époque là, j’ai brûlé tous mes assets, toutes mes images, et j’ai tout montré. Je me suis donné six mois pour voir si c’était cohérent et au bout de six mois je me suis aperçu que j’étais encore en train de développer les mécaniques du jeu. Je me suis finalement dit qu’il valait mieux que je me concentre sur une méthode qui apprenne aux gens à utiliser cette technologie. J’ai donc créé un tutoriel de cinquante niveaux, c’est beaucoup pour un tutoriel. Les gens ont vu ça et ont adoré, grâce à ce système ils pouvaient contrôler les cubes. C’est là que je me suis dit qu’il valait mieux découper mon énorme projet, avec une première partie entièrement consacrée à l’apprentissage et au contrôle des robots cubes.

Concernant la 3D isométrique, j’ai fait ce choix pour que le niveau reste bien visible sur angle fixe. Il se peut que par la suite j’intègre un léger mouvement de caméra, dans un souci de confort et de perspective, de façon à obtenir une bonne perception des cubes en premier et arrière-plan.

• BAG Question 5 : Du coup, quelles sont les plus grosses contraintes techniques que tu as rencontrées ? Et à quels compromis t’es-tu retrouvé confronté ?

Marc Kruzik : Question intéressante, car beaucoup de jeux font des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir. Je donne un exemple concret : Quand on travaille la physique de certains éléments, comme de l’eau ou du vent. S’il y en a trop sur la carte, ça a tendance à faire ramer le moteur 3D. Parfois il y a simplement trop d’ennemis ou de PNJ. Autre aspect, je me suis dit : Minecraft est un jeu infini, moi au contraire, je vais faire un jeu qui sera « fini », limité. Je me suis donné comme contrainte 256 cases de côté pour la taille de chaque planète, de chaque monde. En me disant à chaque fois, que je n’intégrerai dans ces planètes que des choses qui fonctionnent parfaitement. Même si les joueurs venaient à en abuser, à en mettre partout à la fois. Prenons par exemple la TNT de Minecraft. Imaginons que tous les cubes d’une planète soient de la TNT, et qu’en explosant tous en même temps, ils ne fassent pas ramer le moteur. C’est là un système que j’intégrerai. C’est un peu le principe utilisé en construction : un escalier par exemple, si on pose une tonne sur chaque marche, est-ce que chaque marche tiendra ? Est-ce que la structure elle-même supportera son propre poids ? Ce sont là des méthodes que j’ai appliquées, j’ai donc du faire certains choix, et ne pas y implémenter certaines choses.

J’ai imaginé une petite histoire : En marchant dans un couloir, on aperçoit une pierre précieuse incrustée dans un mur. On creuse le mur, en 3D donc, pour dégager la pierre précieuse et la récupérer. Maintenant imaginons qu’on creuserait chacun des cubes de toute la planète, j’avais calculé qu’il faudrait quelque chose de l’ordre de 80 Go de Ram. D’où le choix de m’imposer une limite, afin de me concentrer sur le principal, à savoir gérer ces petits robots cubes capables de se déplacer d’une case à l’autre, et d’accomplir différentes actions.

J’avais tenté un test « ultime » pour m’assurer de la viabilité de la technologie en construisant un cube gigantesque. Un million de nanomachines qui bougent et qui s’assemblent pour former cette immense structure cubique. Le tout devait tourner sans problème sur mon ordinateur de 2006. On le voit d’ailleurs, en accéléré, dans la vidéo d’introduction du trailer de God is Cube. Je fais aussi en sorte que le langage informatique que je crée puisse être utilisé dans des circonstances aussi extrêmes. L’une des restrictions que je m’impose, c’est de conserver mon ordinateur de 2006 jusqu’à la fin du développement. Le jeu est volontairement développé sur un ordinateur de 2 Go de RAM et sous Windows XP, pour être certain de le faire tourner parfaitement, et ce, quelque soit la configuration.

• BAG Question 6 : God is a Cube sort sur PC, Linux et Mac. Quels facteurs, conditions et contraintes seraient à prendre en compte, concernant des adaptations consoles, ou systèmes IOS / Android ?

Marc Kruzik : Alors déjà, j’ai tenu à faire les portages Mac et Linux avant la sortie du jeu. Un facteur récurrent dans le développement d’un jeu fait que les développeurs commencent par la version Windows. Puis lors de l’adaptation Linux, ils s’aperçoivent qu’il y a trop de différences : Bibliothèques, outils tierce partie, ou des systèmes qu’ils ne peuvent pas si aisément transférer. Ne serait-ce que parfois DirectX ou OpenGL. Du coup, la méthode appliquée est le copier/coller du code pour en faire une version Linux. Ce qui fait qu’on se retrouve avec deux versions différentes du code. Comme je ne voulais qu’une seule version, j’ai dû faire un choix. J’utilise un système tierce partie qui est la base de données, je voulais que les données du jeu puissent être accessibles à d’autres logiciels, ou d’autres développeurs. Il s’agit donc d’une base de données offline, un peu comme les feuilles d’un classeur excel, avec la possibilité de les éditer de façon manuelle. Pour ça, il fallait que j’utilise une librairie, qui s’appelle SQLite, mais surtout que j’utilise une version compatible Mac, Linux et Windows. J’ai dû faire de nombreux essais, et ce n’est qu’à la troisième ou quatrième version, que j’ai obtenu quelque chose d’optimal et de parfaitement compatible.

J’utilise du code source. Pour vous donner un ordre d’idée, sur plusieurs années de développement à temps plein, j’en suis arrivé à 60 000 lignes de codes. Il y a pas mal de lignes qui sont devenues inutiles, que je devrais supprimer, mais voilà ce que représente plusieurs années de travail pour un développeur travaillant seul. Rien que la bibliothèque pour gérer la base de données, donc du code que je n’ai pas écrit moi-même, correspond à 75 000 lignes de code.

Une autre difficulté consiste à trouver des outils tierce partie, créés par d’autres développeurs. Le principe est d’en utiliser le code source, à base de dizaines de milliers de lignes, et de les intégrer dans son propre projet. Il faut donc sélectionner des outils dont le code source est libre, ce qui donne aussi lieu à certaines restrictions. Une autre contrainte que je m’impose, est de ne pas utiliser d’outils permettant la réalisation aisée de certains effets graphiques ou autres. Rien ne garantit que le résultat sera aussi optimal sous Linux que sous Mac. J’utilise donc d’autres techniques, plusieurs codes, qui permettront au jeu de tourner sur différents systèmes. Une méthodologie, qui par la suite, faciliterait d’éventuels portages consoles et IOS / Android. God is a Cube reste mon premier projet 3D, certaines optimisations restent à effectuer. Par exemple tous mes cubes utilisent le même rendu graphique, mais le programme les interprète comme différents. S’il ne s’agit pas d’un problème à proprement parler, surtout pour les joueurs possédant une carte graphique, ceux qui sont équipés d’un chipset intégré pourraient voir la carte du monde ramer, avec un affichage en 40 fps au lieu de 60. Sur mobile ce serait plus prononcé, mais c’est une contrainte relativement aisée à corriger. Il s’agira alors pour moi d’optimiser, de modifier certaines parties du code.

Mais tout cela reste des contraintes mineures comparé au fait de copier / coller le code, et d’en retaper une bonne partie afin de l’adapter à chaque fois à une version Mac, à une version Linux, à une version iPad, ou encore Xbox etc… Si dans l’immédiat je n’envisage pas une version console de God is a Cube, je prévois d’effectuer les changements ergonomiques qui s’imposent afin de pouvoir y jouer à la manette. Par la suite, en fonction du succès rencontré par le jeu, si je fais aussi les bonnes rencontres, et que finalement ça a du sens de penser une version console du titre, et bien oui, c’est une éventualité que je n’écarte pas.

• BAG Question 7 : Comment imagines-tu l’avenir de God is a Cube ? As-tu déjà envisagé une extension, de nouveaux niveaux, voire peut-être même une véritable suite ?

Marc Kruzik : Si God is a Cube venait à être un échec complet, là je ne ferai pas de suite. Par contre si c’est un succès, effectivement, je m’engage à faire une suite. Je considère qu’à partir du moment où un jeu a du succès, particulièrement un jeu indépendant, le public est en droit d’avoir une suite. Je suis toujours un peu déçu de voir certains jeux à succès, comme par exemple Faster than Light (rogue-like spatial sorti en 2012 sur PC/Mac) auquel j’ai beaucoup joué, ne pas avoir de suite. Dans l’immédiat je continue le développement du jeu, il y a déjà 50 niveaux, il y en aura 100 au total. Dans la prochaine version du jeu il y aura un mode créatif type « sand box », un éditeur pour créer ses propres niveaux et manipuler les éléments. Un player pack avec une sélection des meilleurs niveaux créés par la communauté. Par la suite, viendra une extension qui s’adressera aux différents types de joueurs, à savoir qu’on y trouvera des chapitres supplémentaires pour les joueurs plutôt axés sur le solo, mais aussi vraisemblablement un nouveau mode de jeu issu des meilleures idées de la communauté. Le scénario, il y en a un, sera lui aussi intégré dans la version finale.

Et donc si God is a Cube venait à être un succès, je développerai God is a Cube : Nanomachines Rising II. Sachant que j’ai déjà pas mal réfléchi à l’évolution du jeu, car comme je le disais, c’est avant tout une technologie, tout un système basé sur les cubes. Et donc ce premier Nanomachines Rising pourrait avoir une suite directe. Je travaille parallèlement, et depuis plusieurs années, sur divers concepts à même de faire évoluer l’exploitation de cette technologie.

• BAG Question 8 : As-tu d’autres envies ou projets en matière de jeu vidéo ? Dans quel autre genre ou univers aimerais-tu te projeter ?

Marc Kruzik : Il fut un temps où je songeais à proposer un jeu vidéo basé sur ma série La Taverne de Kadelfek. Ma méthode de développement, notamment en ce qui concerne le game design, me pousse à aller toujours plus loin. Sans tomber sur l’écueil de l’entretien d’embauche qui consiste à dire « j’ai un problème, celui de vouloir être toujours plus parfait », ce n’est pas mon cas. Le but reste de faire un bon jeu, pas un simple jeu à licence. Je trouverais dommage de faire un jeu vidéo basé sur un de mes univers, qui ne soit finalement qu’un copié/collé d’un genre déjà existant. Tout le problème est là, lorsqu’on s’engage à faire quelque chose d’original, il faut vraiment s’y tenir, pousser le concept, et ça prend énormément de temps. De ce fait, je me concentre sur des jeux que je pourrais développer avec la technologie. Toujours avec ce même schéma : Comment pourrais-je faire tel genre de jeu ? Atteindre tel résultat ? Mais avec des cubes, et je réfléchis à la manière de faire évoluer la technologie.

        

God is a Cube est un système qui permettra de programmer, comme on programme avec de la redstone dans Minecraft. Je voudrais faire en sorte que le plus grand ordinateur virtuel du monde soit fait dans God is a Cube. Avec cette volonté de mettre à disposition des joueurs, des briques et des systèmes qui leur permettront de programmer de manière efficace des variables, des temps de latence etc. De telle manière que ce qui se fait aujourd’hui en redstone puisse se faire de façon plus efficace dans God is a Cube. En poussant le principe un peu plus loin, j’aimerais permettre aux joueurs d’exporter leurs créations sous forme de niveaux, avec leurs propres codes intégrés, leurs propres règles et éléments. Voire même, peut-être à terme, créer leurs propres modes de jeu. C’est une volonté de ma part de fournir dans cet éditeur, des briques logiques de programmation, qui rendront possible certaines actions. Certaines choses qui se sont exprimées dans Minecraft sous forme de répéteur de redstone ou de piston, seraient intégrées dans le jeu de façon native, de manière à offrir aux joueurs de nouveaux aspects technologiques, de nouvelles possibilités de créer. Je me concentre avant tout là-dessus, sur cette technologie de cubes. Avec le souci de ne pas m’y égarer, en passant trop de temps dessus, au point de vouloir, par la suite, travailler sur un tout autre genre de jeu. J’aimerais développer toujours plus cette technologie, et pourquoi pas créer d’autres jeux. Mais qui graviteraient toujours autour des cubes.

• BAG Question 9 : Quels sont les 3 jeux vidéo qui t’ont marqué, et pourquoi ?

Marc Kruzik : Alors il y a déjà Heroes of Might and Magic 3 (jeu de stratégie sorti en 1999 sur PC) que j’apprécie énormément. J’ai souvent l’occasion d’y revenir car c’est aussi le jeu préféré de ma mère, et elle y joue quasiment tous les jours. Il m’a marqué parce que c’est un jeu extrêmement stratégique, au tour par tour, avec une gestion des ressources. En multijoueur ça peut vite devenir infernal, mais le solo est très intéressant. Je m’étais d’ailleurs penché de très près sur ses mécaniques et ses différents mods, comme Horn of the Abyss par exemple. J’avais aussi recréé le système de jeu en Open source.

Le second jeu qui m’a marqué c’est Super Mario 64 (1997), qui reste aujourd’hui encore, à mes yeux, l’un des meilleurs jeu de plateforme 3D. Quand on regarde par exemple Super Mario Sunshine avec son jet-pack qui permet d’ajuster ses sauts, ou encore Banjo-Kazooie ou Jak & Daxter, on a toujours un système de double saut, des petites ailes ou quelque chose comme ça, qui permet de corriger sa trajectoire, et l’endroit où l’on retombe. Super Mario 64 était, et reste, un platformer « à l’ancienne », exigeant et à la réalisation étincelante pour l’époque.

                

Le troisième jeu à m’avoir marqué est Illusion of time (ou Illusion of Gaïa, action RPG sorti en 1995 sur SNES). C’est un Zelda-like de l’époque, en vue du dessus, mais avec une perspective légèrement différente, qui permet notamment de faire des niveaux en vue de côté. C’est un jeu à level-design, on se promène de palais en palais, avec à chaque fois un concept par palais. Il y a par exemple la Grande Muraille de Chine, un niveau entièrement en vue de côté et extrêmement long. La Grande Pyramide, avec la possibilité de descendre des escaliers, et des pans entiers du niveau qui deviennent des ascenseurs géants. Le Jardin Céleste, une espèce de grand donjon flottant avec la possibilité de sauter d’un côté pour retomber de l’autre. Ou encore le Labyrinthe avec ses couloirs étroits et des lianes flottant dans l’espace. Les énigmes étaient aussi de la partie. Un autre personnage pouvait se liquéfier, se transformer en eau, et passer à travers le sol. Pour l’époque, cet action RPG était particulièrement novateur en plus d’être très bien réalisé.

• BAG Question 10 : On ne résiste pas à l’envie de te poser la célèbre question de Bernard Pivot, mais adaptée aux circonstances : En supposant que Dieu existe – Et donc, qu’il est un cube – Qu’aimerais-tu l’entendre te dire après ta mort ?

• Marc Kruzik : Ah… Alors pourquoi ce nom God is a Cube ? Tout simplement parce que le jeu ressemble à une poupée russe. Ce sont des cubes à l’intérieur desquels sont imbriqués d’autres cubes. Dans un monde fait de cubes, la plus petite chose physique existante est un cube. Et le plus grand élément immatériel de ce monde est lui aussi un cube. Il y a un peu cette notion de : Chaque être humain est le dieu de son propre univers, et chacun de nous est un ensemble de cellules. Et pour répondre à cette question de la divinité, je le perçois un peu à la façon dont jouent les joueurs à un jeu vidéo. C’est à dire que le paradigme, qui sera celui du jeu, c’est cette opposition entre le héros / joueur et le grand méchant. Dans ce paradigme, d’un cube formé de cubes, le grand méchant a une stratégie d’immobilisme, c’est à dire qu’il y a une place pour chacun et chacun a une place. Chaque cube est une brique qui doit se maintenir dans l’univers, et la dynamique du joueur, c’est finalement de ne jamais respecter l’équilibre du monde dans lequel il évolue. Il n’y a aucun jeu vidéo dans lequel on reste sur place à ne rien faire. On se déplace, on agit, et finalement on finit par consommer les ressources du monde.

Ce qui est assez intéressant dans un jeu comme Minecraft c’est qu’on peut finir par dévorer la quasi totalité des cubes qui nous entourent. C’est cette notion de nanomachines qui se reproduisent et continuent à l’infini. Finalement on consomme les cubes de son propre univers, pour se les approprier. Jusqu’à devenir le grand contenant, le personnage, le cube, qui contiendra tous les autres cubes. C’est à dire qu’on finit par devenir le dieu de son propre univers. En poussant ce concept à l’extrême, où tout est composé de cubes, on finit par monter tellement haut dans la hiérarchie qu’on en devient le cube suprême. En réalisant qu’il n’y a plus aucun cube au-dessus de nous, on en deviendrait nécessairement dieu. Je ne sais pas ce que me dirait dieu si j’arrivais jusqu’à ce point ultime du cube. Mais peut-être que justement, une fois arrivé aussi haut, on serait finalement déjà devenu le plus grand cube de cet univers. Il y a à l’intérieur de nous d’autres cubes qui commencent à monter, et eux aussi veulent atteindre les plus hautes strates de la divinité.

• BAG – Pour conclure : Y a t-il quelque chose que tu souhaites ajouter ?

Marc Kruzik : Oui, j’aime les cubes !

 

Vous pouvez d’ores et déjà acquérir God is a Cube via son site officiel :

• Site officiel God is a Cube : http://www.godisacube.com/?lang=fr

• Page Facebook God is a Cube : https://www.facebook.com/godisacube/

• Chaîne Youtube : https://www.youtube.com/user/godisacube